Il y a 400 ans Louis XIII passait à Challans
La Société d’Histoire du Nord-Ouest Vendée raconte
– Épisode 3 –
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Challans 1622.
Le jeudi 14 avril 1622, Louis XIII s’installe à Challans, pour moins de 24 heures. Son arrivée ne passe pas inaperçue car il se trouve fort accompagné. Parti de Paris le 20 mars, Challans est l’ultime étape avant de remplir la mission qu’il s’est fixée, vaincre Rohan de Soubise qui n’a pas respecté sa parole et terrorise encore avec ses troupes, les populations côtières du Bas-Poitou.
Les milliers d’hommes qui accompagnent le Roi et son commandement vont-ils mettre le bourg sans-dessus dessous ? N’en compte-t-en pas autant, à la grande foire de Notre Dame, en septembre ? Et, combien de villageois vivent autour de ses halles pour être éventuellement perturbés ? Peu probablement.
Les hameaux et les fermes hébergent l’essentiel de la population et le gros village de La Bloire compte presque autant de feux que le bourg. Il a son moulin, sa fontaine, bien plus tard, il aura même sa chapelle. Presque de quoi former une paroisse indépendante, ce qu’il tentera sans succès, au XIXe siècle. En dehors du chemin qui traverse Challans du levant au couchant, parallèle au marais impénétrable hors du réseau de fossés et de canaux, la vie doit se concentrer autour des moulins et des chemins qui y mènent. A l’Ouest, le moulin du Caillou Blanc, à l’Est les Moulins des Vignes, du Calvaire et de Villeneuve doivent marquer les limites d’un habitat disséminé aux bords de la Grande Rue. Elle mène d’un côté à Beauvoir-sur-Mer et Noirmoutier, de l’autre, à Palluau et Apremont. Vers le Nord Nord-Est, le Moulin de La Fontaine et le Moulin seigneurial de la Cour, ont entraîné le développement du chemin qui, partant des Halles, sort du bourg, file vers La Flocellière puis Legé. C’est la rue des Trois Moulins, plus tard, de La Bonne Fontaine.
Ce sont donc des îlots où la vie s’installe, directement en rapport avec l’activité essentielle que représente la meunerie.
On imagine les halles entourées de bâtisses de même que l’église, autre point de fixation, dès le premier oratoire construit. C’est le cœur de la paroisse avec son prieuré et cernant presque l’église, son cimetière que l’on traverse pour aller aux offices.
Les halles centrales de Challans (actuelle Place de Gaulle) occupaient un grand espace ne laissant qu’un passage étroit avec les maisons qui la bordaient. Construites probablement au XVe siècle, elles connurent un incendie en 1598, mais existèrent jusqu’en 1863, année où elles furent vendues et démontées. Un petit bâtiment (représenté par un carré) servait de corps de gardes, juste à côté de « l’arbre de la liberté », un orme planté vers 1792. La place resta vide jusqu’à la construction des halles au beurre, en 1895.
Les autres points qui attirent les journaliers, sont les domaines où l’on a besoin de bras, de domestiques. Le domaine et les fermes du Bois du Breuil, de la Coursaudière, des Marzelles, du Bois Soleil sont les plus proches. Le fief de la Terrière, de Malescot à l’Ouest, le fief des Dablières, au Nord, dont la demeure fut dit-on, incendiée par les troupes royalistes lors de leur arrivée à Challans, les Raillières, ses bois et son moulin, le château de la Gaudinière en direction de la paroisse des Habites, le fief de la Vérie et son château, le logis de la Motte-Foucrant, de Bois-Fossé, la Frairie alors dans la paroisse de Coudrie ou le lointain village de la Flocellière que traversèrent les troupes royales.
Presque moins importante que sa voisine la Garnache, dépendante de la seigneurie de Commequiers, Challans a la chance de se trouver sur un axe important, autrefois chemin qui menait de Saintes à Noirmoutier. Lorsque le marais, au XIXe sera traversé par une première voie, la route stratégique de Cholet à Saint-Jean-de-Monts, la ville disposera d’une ouverture vers la côte.
Mais Louis XIII et ses hommes ne connaîtront que les charrauds étroits, humides et glissants, encore difficilement praticables au mois d’avril.
Portrait du Maréchal de Bassompierre
Le maréchal de Bassompierre décrira, dans ses mémoires, les paysages que ses troupes durent traverser. « De grands marécages, lesquels en basse mer, sont sec, hormis les canaux où passent les eaux, et, en haute mer sont inondés ; hormis plusieurs mottes où il y a des maisons bâties en quelques-unes et les autres servent à retire le bétail jusqu’à ce que le flux ce soit retiré ». Il ajoutera voir « Plusieurs petits pays, sans accès sans passer l’eau, ce sont des îles » ; sans doute parlait-il de l’île du Perrier, de l’île de St Jean de Monts, ou encore de celle qui rendra célèbre notre roi, l’île de Riez.
Les hommes du XVIIe siècle décrivaient aussi « un paysage de marais avec chemins entre deux fossés qui conduisent à de petites chaumières ».
Ces modestes constructions, élevées sur des « délaissé de charrauds » (en bordure des chemins), étaient de grossières huttes, faites de pieux et de mottes de terre argileuse, prélevées sur place. Quelques brassées de roseaux couvraient le tout et faisait office de toiture.
Afin d’obtenir l’assentiment de la communauté et pouvoir y vivre, il était primordial d’y allumer un feu. Ainsi, aux premières lueurs de l’aube, s’échappait, bien visible de tous, la fumée du foyer.
Ces « bourrines de la nuit » étaient un gage de solidarité du voisinage mais aussi familial.
(1942)
Après sa victoire en l’île de Riez, le Roi se retirera deux jours à Apremont. La cité était dotée d’un château dominant la vallée de la Vie. Elle avait une autre allure que ce bourg aplati en lisière de marais. L’heure n’était pas encore venue d’en faire une capitale.
Françoise Even
Erick Croizé
Illustration des halles : Cadastre Napoléonien Archives de la Vendée.
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16 avril 1622
Cette date ne vous dit rien?
Et bien voici 400 ans, Louis XIII donna l’ordre du démantèlement du château de La Garnache!
Gravure de Louis XII en 1622 (source BNF)
Mais comment en était-on arrivé là ? Pourquoi cette décision si brutale ?
L’époque était troublée et les protestants donnaient bien des inquiétudes au souverain. Celui-ci avait donc préparé le plan de la bataille de « l’Isle de Rié » contre le Duc de Soubise, prince protestant. Louis XIII dirigea en personne les opérations militaires en vue d’assainir définitivement la contrée de tout relent de révolte et d’insubordination et il attaqua Riez où s’étaient réfugiés les calvinistes.
Cette bataille fut un massacre pour les protestants ; les soldats du roi, aidés de la population locale, des maraichins déchainés, contribuèrent à la défaite générale des troupes protestantes et à donner une victoire écrasante aux troupes royales.
Pour se reposer de tant d’efforts, le roi Louis XIII, se fit accueillir par la plus puissante famille du Poitou, Philippe de la Trémoille, seigneur du Château d’Apremont et marquis de Royan dont le père Georges de La Trémoille, mort à Apremont quelques années plus tôt, avait épousé Madeleine de Luxembourg, baronne d’Apremont.
« Le Roy joyeux de tant de lauriers verdoyants qui lui ombrageaient la tête après le combat, rendit grâces solennelles à Dieu de tant de faveurs qu’il lui prodiguait …. »
L’église d’Apremont aura le privilège de sacraliser la victoire par un Te Deum solennel que toutes les cathédrales de France reprendront en écho :
« Nous avons ordonné par toutes les Eglises et Cathédrales de ce royaume un TEDEUM et nous désirons que vous assistiez à celle de Notre-Dame de Paris, du jour qui sera à cette destinée, avec prière à la divine bonté, qu’il lui plaise nous continuer ses bénédictions au repos et tranquillité de notre Etat »
LOUIS Ecrit à Apremont le dix-septième jour d’avril mille six cent vingt deux ;
Apremont, qui fut l’un des plus prestigieux châteaux de son époque, en rivalisant de « festoiries » avec les châteaux de la Loire va accueillir deux jours durant, l’ensemble du corps expéditionnaire.
Le soir du 16 avril, lors du conseil tenu au château, le roi décida le démantèlement de la forteresse de La Garnache appartenant à Henri II de Rohan, chef des protestants et frère de Benjamin de Soubise. Cette place avait en 1589 subi plusieurs assauts de l’armée catholique et restait, depuis, le quartier général des forces calvinistes de la région. La destruction de ce château poursuivait la politique de démantèlement entreprise depuis plusieurs années.
Le 25 avril 1622, des hommes sont rassemblés de 5 ou 6 paroisses et ils vont s’employer à saper la tour du Pont-Levis située à l’angle de l’étang sous la direction de Nicolas Durand, seigneur de St Nicolas ; de Etienne Geay architecte à Nantes ; Etienne Loqueteau maçon à St Christophe et de plusieurs notables de La Garnache : René Voyer, J. Thomas, R. Redois, Jutard.
Le travail ne fut terminé que le 10 juillet, lorsque la Tour-Pont s’écroula, remplissant les fossés de ses débris.
Désormais les Seigneurs de La Garnache n’écriront plus dans la grande Histoire de La France….Le pauvre château de La Garnache a perdu son prestige. Ses murs n’auront plus à subir de nouveaux assauts, sinon celui des maçons qui les utiliseront au XIXe siècle comme une carrière, pour y trouver la pierre de leurs bâtisses.
Mauricette MALLET
Sources : Louis XIII et la bataille de l’isle de Rié de Patrick Avrillas
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