LES BRÈVES DE JUIN

Brèves de JUIN

.

Les dernières s’intitulaient Brèves de l’été, car elles vous donnaient un avant-goût des quatre mois à venir. Toutefois, nous ne sommes qu’à la mi-juin et toujours attachés aux pas de Louis XIII. Nous nous sommes, peut-être l’avez vous remarqué, beaucoup attaché à ses repas. La documentation en est aussi riche que les mets qui lui étaient proposés, car déjà de santé délicate. Grâce aux précieux carnets de son médecin personnel, nous apprenons non seulement comment était garnie son assiette, mais aussi les us et coutumes en usage au XVIIe siècle.

Jean-Claude Druard, l’auteur, semble s’être régalé tout en dressant la table royale.

Illustration non contractuelle !

Le quatre centième anniversaire de la bataille de Riez n’a pas eu de grands retentissements, sauf sur le Pays de Saint-Gilles. Le trois centième, par contre, avait fait l’objet d’une attention toute particulière dans la presse de l’époque. En deux épisodes (vous trouverez ici le premier), nous vous racontons ce qui se passa à Challans.

Petit rappel : l’une des « Nouvelles Visites » de l’été sera consacrée au passage de Louis XIII à Challans. Vous pouvez voir les dates dans les Brèves d’été et vous inscrire auprès du 06 07 96 51 37.

Second rappel : Notre revue 2022 est en vente. Sa présentation officielle se fera à la Médiathèque de Bouin le Samedi 25 Juin à 15 heures. Vous pouvez vous joindre à nous.

E.C

 



Il y a 400 ans Louis XIII passait à Challans.

Mais quelle fut la nature de ses repas?

Au XVIIème siècle les noms des repas étaient légèrement différent de ceux de notre époque.
Le premier repas, après le levé, s’appelait le Desjeûner (du latin disjejunare qui signifiait « rompre le jeûne »). Ce repas « rompait » le jeûne de la nuit. Ensuite, venait le Dîner, dont l’étymologie, bizarrement, est aussi issue du latin « disjejunare » et on terminait la journée avec le Souper qui, bien évidement, tire son nom de son plat très généralisé, surtout à la campagne: la Soupe!

Ce n’est qu’au XIXème siècle qu’en France est arrivée la notion de « Petit-déjeuner », décalant les autres repas et rendant désuet l’usage du mot « Souper »! Mais nos amis Belges, Suisses et Canadiens ont gardé, dans l’ensemble, l’ordre des repas d’origine, ce qui est bien plus logique.

En résumé, de nos jours en France, les différentes collations de la journée sont:
Petit-déjeuner, brunch, déjeuner, goûter et dîner.

Alors qu’en Belgique, en règle générale, on dira:
Déjeuner, dix-heures, dîner, quatre-heures et souper.

Pour revenir à notre jeune roi Louis XIII, reprenons les notes journalières de Jehan HEROARD, le médecin personnel de Louis XIII, qui jour après jour, notait les « humeurs » du roi et notamment ce qu’il pouvait manger lorsqu’il se déplaçait.
Selon l’endroit et les circonstances, cela pouvait être très « limité » comme très « chargé ».
Extraits des notes de Jehan Heroard, voici quelques exemples durant le passage dans notre région en Avril.

« Le 14, jeudy, éveillé à cinq heures et demi après minuit, …… à six et demi, déjeuné, Potage confit blanchy et jus de citron 12; beu de l’hypocras fort trempé; va à la messe ……
à 8h monte à cheval pour Challans…..vers 11h n’ayant rien à dîner, mange du pain qu’il fait acheter des Suisses et un peu de fromage, qu’il n’avait jamais mangé!
Arrivé à 2h à Challan, loge chez Massé-Grousseau sieur de la Coursaudière, à 2h ½ diné:
bouts d’asperges en salade 12; olives 8; quatre pigeonneaux à la saulce jaune; la moitié d’ung pain avec la saulce; la moitié d’un leuvraut des prés d’ung pied de long, lardé; une aile d’une poule rostie, avec pain ésmié; figues 9; cerises confites 12; quatre tranches de pome crue sucrées et à l’eau rose; guines sèches 12; pain peu; beu du vin clairet fort trempé; dragées de fenouil, la petite cuillèrée ».

Très souvent, Jehan Heroard met des quantités après les mets. Pour des liquides comme la soupe, on peut imaginer qu’il s’agit du nombre de cuillérées. Pour des pâtés ou des tartes, des tranches…
L’hypocras était un mélange de vin, de sucre et d’épices datant du Moyen-Age et se prenant souvent à jeun.
A l’époque, la plupart des vins issus de cépage « rouge », mais dont le jus était blanc étaient des vins clairets (rosés) et très souvent ils étaient bu allongé d’eau (pour atténuer l’aigreur du vin?).
La sauce jaune est sans doute une variante de la sauce Robert très prisée au XVIIe siècle avec les volailles.
Les guines ou gisnes sont des guignes, variété de cerises assez sucrées et rouge foncé.
Les dragées, dont la mise au point en France remonte au XIIIe siècle (à Verdun), sont à base de sucre durcis. Elles pouvaient être en forme de petites billes, se prenant alors à la cuillère. Elles étaient souvent faites pour enrober des plantes ou des graines tel que l’anis vert, par exemple. Elles avaient alors des vertus médicinales. Quant au fenouil, il était connu pour favoriser la digestion.

« Le 15, vendredi, esveillé à 4 heures après minuit doulcement levé, bon visage …..
à 4h1/2, va à le messe; déjeuné, pain peu; beu de l’hypocras fort trempé. ……
A midy disné; d’ung saumon en pâté, 10; dedans de la croute; beu du vin clairet fort trempé; deux abricots secs confits. »

Son repas fut interrompu par le prince de Condé, qui allait lancer une attaque. Reprenons le récit d’Heroard:

« Le roi quite son disné en disant « je y veulx aller! », monte à cheval, va à deux lieux de chemin; à huit heures soupé sur le sable; Potage aux herbes et au beurre (14); ung œuf à la coque avec six appresches de pain; beu du vin clairet fort trempé; huistres à l’escaille sur le feu, avec du beurre et du pain esmié; dragées de fenouil, la petite cuillèrée.

Les appresches, qui donneront par la suite « apprêtes » (dénomination encore utilisée dans certaines régions de France) ne sont autres que des mouillettes. Le mot mouillette est déjà attesté à la fin du XVIIe siècle avec l’écriture: moüillette.

On s’aperçoit aussi que ce 15 avril, qui est un vendredi, Louis XIII ne mange pas de viande au cours de ses différents repas, observant ainsi la loi catholique de l’abstinence du vendredi.

Et enfin, voici le contenu de son diner, le dimanche 17, au château d’Apremont, toujours d’après son médecin:

« a onze heure et demie, disné ; bout d’asperges en salade, 12; olives, 8; Potage confit, blanchy et jus de citron, 12; ung peu d’ung aileron chapon bouilly; deux macarons de pain et du chapon dessus; deux couvercles de pasté d’????; la chair d’une cotelette de mouton en carbonnade;beu du vin clairet fort trempé; chevreau rosty lardé, 4; la moitié d’une petite tarte à la crème et crème sucrée, 14; cerises dans une petite tarte, 12; guines sèches, 12; pain peu; dragées de fenouil, la petite cuillérée…

Il lui arrivait aussi de prendre un en-cas:

« à trois heures monte à cheval, va à la volière, y à gousté; guines sèches, 14; pain peu; beu de l’eau avec du syrop de cerise »…

Pour terminer ces propos, on constate que déjà, l’ordre des mets est sensiblement le même que de nos jours, à savoir: le salé avant le sucré. Mais on voit encore certaines entrées avant le potage, chose qui s’inverse dans le courant de ce XVIIe siècle avec l’arrivée de Louis XIV.

J.C. Druard

Sources:

  • le journal de Jehan Heroard, médecin de Louis XIII.

  • Extraits de « La dépêche Vendéenne » d’avril 1922, lors du trois centième centenaire de l’expédition de Louis XIII en Bas-Poitou.

     

Portrait de Louis XIII en 1624, avec les allégories de la France et de la Navarre.
Atelier de Simon Vouet (1590-1649).
© Château de Versailles

 



Le tricentenaire catholique et français
de la bataille de Riez.

Titre de L’étoile de la Vendée du 23 avril 1922

Le quatre centième anniversaire de la bataille de Riez, en avril 1622, fait l’objet de chroniques, que la Société d’histoire vous propose sur le net (voir www.shenov.fr ou notre page Facebook : Shenov challans Société d’ histoire). C’est peu, direz-vous pour rappeler ce fait d’armes, qui sera évoqué aussi lors d’une des Nouvelles Visites de l’été.
Il est difficile de dire si l’évènement fut fêté lors du premier anniversaire, en 1722, ou lors du second, en 1822, époque où la région se relevait lentement des destructions des guerres de Vendée, connaissait encore des périodes troubles (bataille des Mattes en 1815) puis la révolte des réfractaires de 1831 à 1834 alors que quatre départements, ceux de l’ancienne Vendée militaire, sont mis en état d’urgence.
Le tricentenaire par contre, il y a donc 100 ans, fit l’objet de l’attention toute particulière de la presse qui présenta en feuilleton, le déroulement des faits. Et ce sont les journaux catholiques, Le Nouveau Publicateur et La Dépêche Vendéenne, journaux d’Armand de Baudry d’Asson, L’écho de la Loire, journal catholique Nantais, L’étoile de la Vendée, ainsi que La Croix, journal catholique de Paris, qui ouvrirent leurs colonnes. Car on présente la victoire de Louis XIII sur les protestants, comme la victoire de la France (catholique) sur ses ennemis (protestants).
Célébrer cette victoire est semble-t-il une haute obligation, si l’on en croit l’abbé Grelier qui note : «Le triste journal Létoile de la Vendée, acquis par le non moins triste abbé Félix Trochu de « L’Ouest-Eclair » qui se dit journal catholique, n’a pas dit un mot avant le 23 avril de ce tricentenaire ! »

Charles Grelier, l’historien de la paroisse.

Charles Grelier n’avait pas choisi d’entrer dans les ordres. C’est sa mère, Madame Lavaud, mariée au challandais Gildas Grelier, qui en avait décidé ainsi. Avant même la naissance de son premier enfant, son parcours était tracé : prêtre, si c’est un garçon, religieuse, si c’est une fille. Sa vocation l’aurait plutôt porté vers l’archéologie et les recherches historiques ce qui ne l’empêchait pas, comme ses parents, d’être profondément croyant. S’il embrassa la charge qu’imposa sa mère, il eut le parcours atypique d’un prêtre « habitué » libre et sans paroisse attitrée, même s’il passa le plus clair de sa vie dans la maison familiale qui l’avait vu naître.
Le quatrième volume des chroniques paroissiales rédigé par l’abbé Charles Grelier, s’ouvre au 13 avril 1922, soit neuf jours avant le tricentenaire de la venue du Roi Louis XIII, à l’occasion de la bataille de Riez. Cet anniversaire sera fêté dignement, pour la dernière fois probablement, par le nouveau curé de Challans, l’abbé Goupil, dont l’arrivée, le samedi 18 mars, n’est pas passée inaperçue.
Louis XIII avait abordé le bourg de Challans par le quartier de la Chapelle, le curé Goupil également. C’est en effet par la route de Commequiers que depuis au moins deux siècles, tous ses prédécesseurs se sont présentés. La différence entre l’arrivée du monarque et du prélat est toutefois importante : la chapelle Belle-Croix, baptisée ensuite Saint Symphorien n’existait plus en 1922. Elle avait été déconstruite après la révolution et ses pierres avaient en partie servi à construire une salle de garde, adossée aux grandes halles de la place centrale (place de Gaulle). Après le café de la chapelle, la discothèque la Chapelle, nous avons désormais, le rond-point de la chapelle et ses bananiers!
On sait l’intérêt que Charles Grelier portait à la recherche, l’architecture, l’histoire, la lecture et l’écriture, on connaît moins, peut-être, le plaisir qu’il semblait éprouver à assister et à décrire, dans le menu détail, les cérémonies liturgiques auxquelles il participait, à Challans, à Nantes ou parfois, à Paris. Sensible au décorum, au faste des objets et vêtements liturgiques, il décrit minutieusement dans ses cahiers, l’ordonnancement de ces moments exceptionnels qui transcendent les fidèles et font vibrer leurs âmes.
Or, si certains abbés prêchent plutôt pour une certaine sobriété, celui qui vient d’arriver, le curé Goupil, semble partager sa conviction que l’église, pour exister, ne doit pas hésiter à sur-représenter ses rendez-vous liturgiques, quitte à donner dans l’ostentatoire. Les grands offices avaient encore à cette époque, quelque-chose de théâtral qui séduisait les foules. N’oublions pas que c’est l’église, qui dans toute l’Europe des XIe et XIIe siècle, avec les drames liturgiques, ressuscita le théâtre qui avait disparu depuis 600 ans ! (1) Pendant le Bas-Moyen-Âge encore, XIVe et XVe, les grandes fêtes religieuses étaient attendues par toute la société comme des réjouissances qui pouvaient durer plusieurs jours. Elles occupaient environ quinze semaines dans l’année où le travail s’arrêtait et marquaient également les changements de saisons.

 

La « cathédrale » du marais

La cathédrale du marais et son impressionnant chevet

L’église Notre Dame va, dès la cérémonie du tricentenaire dédiée à Louis XIII, accéder au yeux de Charles Grelier, au statut de « Cathédrale du Marais » ! Pour l’homme qu’il est, profondément attaché à la religion et à l’ancien régime, cette entrée en matière du nouveau curé doyen, est une révélation.
Cet abbé Goupil, nommé à la suite du décès du chanoine Célestin Freland, semble avoir trouvé, après Saint-Denis-la-Chevasse et Barbâtre, une paroisse et une église à sa mesure. Le samedi 18 mars 1922, Il a été accueilli puis escorté par les fidèles qui se sont rendus « à cheval ou à bicyclette » jusqu’au au pont de la Garandière qui franchit le Ligneron et marque la séparation de la commune de Challans avec Commequiers, son ancienne seigneurie.
La foule, elle, l’attendait au calvaire du Rosaire, ce monument aujourd’hui oublié mais que l’on redécouvre depuis la disparition du château d’eau*. Il arriva dans « la voiture généreusement offerte par M. le marquis Boux de Casson, salué par de nombreux vivats et acclamations ». Accueilli par Gildas Grelier, maire de la commune, le nouvel arrivant alluma le feu de joie qui avait été préparé, puis monta sur le monument du Rosaire pour bénir la foule.
Un grand cortège se forma alors, franchit les barrières du passage à niveau et rejoignit le quartier de la Chapelle avant de remonter la Grande Rue jusqu’à l’église où eut lieu une bénédiction solennelle.

Challans, 2 heures (heure solaire) 14 avril 1922

« Il y a 300 ans aujourd’hui, et à pareille heure, Louis XIII, Roi de France et de Navarre est arrivé en notre ville avec toute sa cour et toute son armée. C’est le plus grand jour de l’histoire de Challans ».
Charles Grelier.

A suivre…

E.C

Sources fonds Grelier Archives de la Vendée.
(1) Vandales, Normands, Arabes, les invasions ne laissent guère de temps pour s’occuper de spectacles. Saltimbanques, montreurs d’ours, conteurs, acrobates et mimes sont les seuls à s’exprimer.
* Voir la série d’articles consacrés à ce lieu dans lesnouvellesdechallans.fr

.

Prochain chapitre: 

La Victoire de la Vérité sur l’Erreur

 

 


 

*  –  * – *

Chaque mois, rendez-vous sur
www.shenov.fr
L’actualité du passé

Vous trouverez également des rubriques historiques sur:
www.lesnouvellesdechallans.fr