Brèves de JUILLET
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La Shenov clôture sa série d’articles autour du passage de Louis XIII à Challans,
à l’occasion de la bataille de Riez.
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Bonnes vacances !
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La Victoire de la Vérité sur l’Erreur
Second chapitre
Il y a trois siècles aujourd’hui, quelle foule s’agitait dans le bourg de Challans ! Le curé, Germain Regnaudineau était très occupé à entendre les confessions. Il a écrit que les gens du Roi, « alloient en grande dévotion ».
Par la pensée, je reconstitue heure par heure cette journée du 14 avril 1622, le plus grand jour de l’histoire de Challans. Charles Grelier
Dans ce second chapitre (le premier est à lire dans les brèves de juin) nous évoquons, grâces aux notes précises de l’abbé Charles Grelier, la messe anniversaire, célébrée 300 ans après celle que Louis XIII entendit, en l’église de Challans, en 1622. C’est la dernière fois, en 1922 donc, que le passage du Roi Louis XIII à Challans fera l’objet d’une telle manifestation. Mieux qu’une photographie, elle nous montre l’état d’esprit de l’époque au travers la loupe d’un prêtre, l’abbé Grelier, qui nous dévoile et sa foi profonde, et son attachement à la royauté. C’est un témoignage, un instantané et un document rare et intéressant.
Le vendredi 15 avril 1622, à 4 h 1/2 dit le médecin Jean Hérouard, Louis XIII entendit la sainte messe, en l’ancienne église de Challans. Ce fut le plus grand jour de ce vénérable sanctuaire.
« Cette inoubliable cérémonie » qu’il eut l’honneur de présider, le Samedi Saint en avril 1922, la veille du jour de Pâques, débuta à 7 h 1/2 (heure ancienne) et s’acheva à 9 h 1/2. « Voici comment, à l’aurore d’un pastorat plein d’espérances – Charles Grelier fait allusion à l’arrivée du nouveau curé de Challans, le curé Goupil, décrite dans la première partie de cet article – on remercie Dieu d’une victoire, vieille de trois siècles, mais dont le peuple jouit encore ». « L’art et l’histoire s’étaient unis dans l‘évidente intention de la faire digne des évènements d’avril 1622.
L’église de Challans, cathédrale du marais, telle une grande dame en ses jours de réception solennelle, dès la fin de l’office du Vendredi Saint, avait revêtu une parure toute de circonstance.
Des enfants, des jeunes gens du fief, aidaient les deux sacristains, tandis que, par d’autres concours, l’aiguille fixait habilement les dates du tricentenaire sur les draperies. Dans la soirée, je m’attardais sous les voûtes élancées et je contemplais le travail de toutes ces personnes dévouées : le centenaire était catholique et français selon l’expression du journal « La Croix », chrétien et royal.
Après la Royauté du Christ, poursuit Charles Grelier, qui figure aux places d’honneurs, celle de Louis XIII, le grand héros de l’expédition du Bas-Poitou. Les armes sont aux colonnes de la nef, intercalées avec les dates du centenaire. Ces huit écussons font le meilleur effet avec leur semis de croix ou de fleurs de lys rouges sur fond de bois, teinté jaune. A l’entrée du transept, je reconnais, du côté de l’évangile, le blason de Richelieu, évêque de Luçon en 1622 et de l’autre côté, Mgr. Garnier, à quelques semaines de le remplacer. Des guirlandes, rouges et blanches tombent des voûtes du transept et rejoignent les piliers. Des bannières encadrent la grande porte. A la sacristie, j’admire les chasubles en satin qui demain serviront à l’office : don de la piété maternelle.
Arrêtons quelques instants cette description pour commenter cette dernière indication. Charles Grelier évoque ici sa mère qui avec son mari, Gildas Grelier, tient commerce sur la Place des Vieilles halles, bientôt baptisée, Place du Commerce. C’est une épicerie en gros, mais en fait, avec les mots des années 70, nous dirions plutôt un drugstore. Car on y trouve toute sorte d’articles, des conserves alimentaires comme de la mercerie sans oublier, à l’étage, donnant sur la rue qui mène à la mairie, des soieries, et de nombreux rouleaux de tissus. Madame Grelier, offre donc aux prêtres de la paroisse, de précieuses étoffes, qui sont ensuite travaillées dans les ateliers des Demoiselles Versant, à Nantes.
L’ancienne église de Challans,
représentée ici un siècle avant le passage de Louis XIII
La violette est ravissante, écrit Charles Grelier, avec son semis de fleurs de lys vieil or, sur le fond mauve de la croix. La blanche est un remarquable chef-d’œuvre avec ses personnages et sa flore. Le satin blanc vient de la robe de mariée de ma mère, ajoute-t-il. C’est incontestablement une merveille de broderies comme ces linges d’autels en fil tiré qui serviront aux messes du centenaire. Elles sont dues à la patience et au talent d’une fille de la charité, jadis élève chez les Dames de Chavagnes, à Challans.
En cette soirée de printemps, le jour est plus long : j’en profite pour voir dans la grand’Rue, la maison où Louis XIII, à la veille du combat, tenait conseil, il y a 300 ans, à pareil jour, à pareille heure.
Pour commémorer la messe du Roi, le clergé de Challans célébrera avec solennité, l’office du Samedi Saint. 7 h 1/2, de la sacristie, sort le long cortège de la maîtrise et des enfants de choeur. Il se dirige, par le bas-côté sud, vers la grande porte où le prêtre bénit le feu nouveau et les cinq grains d’encens. Le cierge pascal est béni. A considérer ce luxe dans l’accomplissement des rites sacrés, les évolutions des choristes, les chants des enfants, on a l’illusion d’une cathédrale.
Il est exactement 9 heures, lorsque le prêtre entonne le « Gloria in excelsis ». Le carillon des enfants de choeur lui fait écho dans l’église, tandis qu’au dehors, sur la ville et le marais, les cloches sonnent à toutes volées, en ce lieu même où, il y a trois siècles, d’autres cloches invitaient la cour, l’armée, les habitants à s’unir à la prière que le Roi de France venait d’adresser à Dieu, avant de livrer le combat qui allait décider du sort de la religion dans l’ouest.
A l’offertoire, l’organiste nous avait donné un vieil air : la marche des gardes Française. Le beau cantique, « Foi de nos pères » conserve cet air guerrier du temps des rois. A la sortie du clergé, la vaste église retentit des mélodies du « Te Deum » dont les accents sont dans tous les cœurs.
C’est également le « Te Deum » que fit chanter Louis XIII en l’église d’Apremont, le dimanche 17 avril, le lendemain de sa victoire où 2 500 soldats huguenots perdirent la vie, massacrés par les populations de maraîchins, qui se vengeaient ainsi des exactions commises par les troupes de Soubise, abandonnées à leur triste sort par leur chef. Les victoires, passé trois siècles, n’ont pas le goût amer. On sent l’écriture de Charles Grelier proche de l’épopée et l’historien qu’il est, transporté ! La vérité n’est que d’un côté.
L’ancienne église d’Apremont, elle aussi détruite en 1900,
qui reçu le Roi Louis XIII le dimanche 18 avril 1622
Le même jour, à 1 heure (13 h), il donne une conférence sur la bataille de Riez, à l’école catholique des garçons. A 2 heures (14 heures), il préside aux vêpres puis au salut du Saint Sacrement. L’église ne désemplit pas de visiteurs. A Sallertaine, à Saint jean-de-Monts, à Saint Gilles, on fête également le tricentenaire.
« Le mardi suivant, en raison du marché hebdomadaire, très fréquenté (trop fréquenté, hélas !) par les jeunes gens et les jeunes filles du marais, l’église a reçu beaucoup de visites et on a vendu un grand nombre de souvenirs du tricentenaire ».
Cette commémoration qui peut nous sembler aujourd’hui étrange, revêt peut-être une dimension particulière : elle se déroule quatre ans après la victoire de 1918 pour laquelle de nombreux Challandais ont donné leurs vies. Beaucoup de familles sont en deuil. Malgré l’éloignement des faits évoqués, cette grande cérémonie collective rassemble et peut-être console. Et c’est peut-être là, ce qui est important.
L’église aux deux clochers lors de ses dernières années.
Les ajouts successifs l’avaient considérablement enlaidie.
(Vue prise de la route de Saint-Jean de Monts)
Erick Croizé
Sources : Les écrits de l’abbé Grelier sont en italiques. Extraits du cahier 1922. Archives de la Vendée.
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LE PROTESTANTISME EN VENDEE
Le Bas Poitou s’étend entre Bretagne et Charente, «une terre de confins où le bocage se fond dans l’océan en d’innombrables marais» et où la doctrine de Luther au XVIème siècle trouvera un écho favorable dans les ports et les villages.
Une cinquantaine de seigneurs et de châtelains se partagent ce territoire si différent sociologiquement et géographiquement. On y trouve alors de l’élevage dans les zones marécageuses, plus pauvres et moins peuplées, du commerce maritime sur la côte, les cultures céréalières dans la partie vallonnée du bocage.
Ce sont ces différences qui favoriseront le développement mais aussi le déclin de la foi protestante dans la région.
Au début du XVIème, Michèle du Fresne (dite de Saubonne), jeune aristocrate poitevine, amie de la reine de France dont elle partage les goûts, devient la dame de compagnie de Louis XII. C’est une femme très cultivée, le poète Clément Marot la décrit comme « Aimant littérature, Savoir exquis, vertus qui le ciel percent, Arts libéraux et ceux qui s’y exercent »…
Elle se marie avec Jean IV de Parthenay, noble poitevin qui possède un confortable château à Mouchamps.
Jean meurt en 1512, Michèle, enceinte de son quatrième enfant, éloignée de Paris par François 1er qui lui reproche son opposition au rattachement de la Bretagne à la couronne de France et sa sympathie pour l’église réformée, regagne le château de son mari où elle élève ses trois filles et son fils Benjamin, futur Seigneur de Soubise.
Humaniste, elle s’intéresse à la nouvelle foi qui prône le retour aux sources du christianisme et l’éloge de la vie apostolique.
Invitée en Italie à la cour de Ferrare où elle séjourne pendant 8 ans, sa rencontre avec Jean Calvin lui fait abandonner définitivement l’Eglise catholique.
Agée, elle revient en Vendée 1536 et continue à promouvoir la nouvelle religion auprès de son entourage, des paysans, et de certains membres du clergé. Malgré sa disparition en 1549, le protestantisme continue à se développer dans le petit village de Mouchamps, si bien qu’en 1580 l’église ferme ses portes, faute de fidèles.
Au décès de Michèle, Catherine de Parthenay sa petite fille, amie de François Viète célèbre mathématicien, protestante convaincue également, continue la diffusion du protestantisme auprès des seigneurs vendéens qui ne tardent pas à se convertir.
Après l’Est vendéen, à l’Ouest, la côte est tournée vers le commerce maritime. Les échanges d’idées avec les Anglais, Flamands ou les Allemands séduiront les marins qui seront les premiers à embrasser la Réforme.
Dans les années 1540, la petite île de Riez étant inhabitée, les marins s’y installent, et fondent une petite communauté réformée de quelques dizaines de familles. Ils y construisent un temple et des habitations. A la Chaume, les registres de la ville font état de 1300 protestants sur un total de 2000 habitants.
La situation se dégrade après la mort d’Henri IV. Au cours de la seconde moitié du XVIème siècle, la foi protestante gagne les principales villes de la plaine comme Fontenay le Comte. En découlent alors plusieurs années de violents conflits, de traités de paix et de reprises de guerre. En 1622 la bataille de l’Ile de Riez, avec la victoire de Louis XIII et la fuite de Soubise (fils de Catherine de Parthenay) est un véritable massacre, plus de 2500 soldats seront tués; de même de 1627 à 1628, le siège de La Rochelle par l’armée royale et le cardinal de Richelieu témoigne de la violence de ces combats.
Les registres paroissiaux de l’époque mentionnent l’apparition de nombreux cimetières protestants, signe que la foi réformée gagne le cœur de la population mais les huguenots vivent dans la clandestinité et la répression. Pour pratiquer leur religion, ils construisent des passages secrets dans les maisons. La «Maison Billaud »à Fontenay-le-Comte en est un exemple. Les seigneurs interdisent le culte protestant dans leurs domaines et sont les premiers à abjurer leur foi protestante pour se tourner vers le catholicisme tandis que l’Eglise envoie des missionnaires réévangéliser le pays.
Malgré la révocation de l’Edit de Nantes en 1685 rien ne change en Vendée où sévissent les dragonnades dès 1681. Des troupes envoyées par le Roi, pillent, violent et tuent les protestants afin de les obliger à se convertir ; cependant, les paysans attachés à ce qui leur semble être leur liberté, seront les derniers à abandonner le protestantisme.
Le protestantisme décline pendant les décennies suivantes et en 1787, tandis que Louis XVI promulgue l’Edit de Tolérance qui donne davantage de liberté aux Huguenots, il n’en reste que quelques centaines en Vendée. Les autres, artistes peintres ou scientifiques ont déjà fui la France et préfèrent s’exiler en Europe plutôt que de renoncer à leur foi. Ainsi la Saxe, l’Angleterre, la Prusse, la Hollande ou encore l’Irlande accueillent tous ces talents français qui leur donnent une impulsion nouvelle, économique ou culturelle.
Seuls quelques temples protestants comme ceux d’Olonne, La Roche-sur-Yon, Mouchamps ou Fontenay-le-Comte sont les témoins de cette période agitée dans une Vendée devenue aujourd’hui à majorité catholique.
Françoise EVEN
Sources:
– «Quand la Vendée était protestante» AgoraVox
– «La Réforme et l’exil des artistes français» Anne Lepoitevin
– Documents Shénov
– Histoire de la Vendée
– Musée protestant.
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