La Société d’Histoire du Nord-Ouest Vendée raconte
Épisode 2
Avril 1622
La Shenov continue d’explorer l’histoire et vous propose une nouvelle série de chroniques sur l’événement qui nous intéresse.
– Où était Richelieu pendant ces jours décisifs ? C’est la question que s’est posé Didier Le Bornec.
– Le jeune Roi Louis XIII était passionné de chasse : Etienne Chouinard nous dévoile les secrets de la chasse au faucon.
– Henri Phelippeau nous délivre une histoire comique, sortie d’un des nombreux livres de la bibliothèque de la Shenov.
– Et comme l’humour est contagieux, vous goûterez peut-être au billet d’humeur du président ?
– Nous terminerons avec Etienne Chouinard de nouveau qui nous détaille l’œuvre singulière d’Henry Simon, représentant un épisode qui suivi cette bataille de Riez.
E.C.
Le 14 avril 1622… Richelieu était en disgrâce
Quand on évoque les guerres de religion sous Louis XIII, c’est l’image du cardinal de Richelieu qui nous vient à l’esprit, et le siège de La Rochelle, en 1627, représenté par le peintre Henri-Paul Motte – 254 ans après, en 1881.
Mais lors de la bataille de « l’Isle de Rié, » qui a conduit Louis XIII à Challans, Armand Du Plessy n’était pas encore cardinal, et n’était plus aux affaires après une fulgurante ascension. Il était tombé en disgrâce en 1617 avec sa protectrice, la mère du roi, Marie de Médicis.

Armand Du Plessis-Richelieu, né en 1585 à Paris, était issu d’une ancienne et noble famille du Poitou, région qu’il regagna avec sa famille à la mort de son père, en 1600. « Brillant » dès sa jeunesse, Richelieu fut nommé évêque de Luçon à l’âge de 21 ans, sur dispense du pape Paul V, et sacré à Rome en 1607 par le cardinal de Givri (1).
Richelieu s’installa à Luçon en décembre 1608. Mais avait-il l’intention de rester longtemps dans – selon ses mots, – cet évêché le plus désagréable et le plus crotté de France… »? Juste après l’assassinat d’Henri IV, en 1610, Richelieu remonte à Paris. En 1611, on le retrouve à Luçon, où il fonde le premier séminaire de France… Mais c’est en 1614 que tout s’accélère. Après quelques succès en tant que prédicateur, et une intervention de Sully, Richelieu, qui a 29 ans, est élu député du Clergé poitevin aux États généraux de Paris. Il est ensuite porte-parole de l’Église à l’Assemblée. Puis il se met au service de Marie de Médicis, en devient le « secrétaire des commandements… » Il veille sur la future reine Anne d’Autriche. En 1615, la régente le fait grand aumônier de la jeune reine… Enfin, en 1616, Richelieu est nommé conseiller d’État.
Il croit son avenir assuré… quand, en 1617, tout s’écroule. Louis XIII fait assassiner Concini, maréchal d’Ancre, favori de la reine mère. Celle-ci est exilée à Blois par son fils… Richelieu est du voyage – avant d’être repoussé toujours plus loin : dans son prieuré de Coussay (Vienne), puis en Avignon…
Des broutilles tout cela… Quelques années après, en 1622, tandis que Luçon et sa cathédrale sont dévastées par l’armée protestante de Soubise, que Louis XIII va les combattre dans l’île de Riez… Richelieu travaille à réconcilier le roi et sa mère – laquelle est déjà revenue au Conseil. Et en septembre, Marie de Médicis obtient le cardinalat pour son protégé… En juin 1623, le cardinal de Richelieu fait« adieux au chapitre de Luçon, » – il avait conservé l’évêché par sécurité. En 1624, il entre de nouveau au Conseil du roi…
(1) L’évêché lui avait été réservé dès 1600 par Henri IV, à la mort de François du Plessis, père de Richelieu, Grand prévôt de France et favori du roi (l’évêché était depuis de nombreuses années dans la famille Du Plessis-Richelieu).
Didier LE BORNEC
Louis XIII et la chasse au faucon
La fauconnerie a toujours été l’apanage de la noblesse. Rappelons qu’au sein de l’Ordre du Temple, la fauconnerie était interdite. En revanche, elle devient un mode de chasse autorisé par l’Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem.
Peut-être faut-il y voir les conséquences de la règle de Saint-Benoît qui encadrait un mode de vie articulé autour de la prière. En dehors des offices, les moines s’adonnaient au travail essentiellement manuel. Le travail était organisé de telle sorte qu’il pouvait être exécuté à l’intérieur du monastère où l’on pouvait trouver tout le nécessaire pour travailler : eau, moulin, jardin-potager, ateliers etc… pour pouvoir exercer les différents métiers sans avoir à sortir de la clôture, et ainsi protéger leur âme.
Selon la Règle, un travail simple permet de prier dans le même temps. « Prier et travailler », telle est la devise des Bénédictins. On l’a compris, la clôture monastique leur permet de se concentrer sur la prière, la recherche de Dieu, le Salut de leur âme, l’objet principal de leur existence avec l’assurance d’une vie éternelle.
A l’inverse, la chasse, suivant les règles de la fauconnerie, reste une distraction, un divertissement d’ailleurs en harmonie avec l’idéologie de la monarchie. Cette dernière prolonge l’invincibilité du roi, dompteur suprême, victorieux et Maître absolu de la Nature.
Les effectifs culminent sous Henri IV dont les équipages totalisent entre 450 et 500 hommes. Après le décès brutal de son père, Louis XIII maintient l’organisation du dispositif impressionnant qu’il a élaboré : une meute de 150 chiens courants, plus des dogues utilisés pour la chasse aux sangliers ou aux loups, cette dernière étant pratiquée par Louis XIII pour assurer la protection des élevages paysans.
S’y ajoute, le grand équipage pour la chasse au cerf ou au loup, comprenant 8 lieutenants, une quarantaine de gentilshommes, une cinquantaine de valets et 4 chasseurs à cheval. Deux petits équipages sont associés pour la chasse aux lièvres et renards.
C’est sous Louis XIII que la fauconnerie atteint son apogée en France. C‘était incontestablement le passe-temps favori du roi dont les volières comptaient trois cents rapaces divisés en plusieurs groupes, ceux du haut-vol et ceux du bas-vol. Il fallait une demi-douzaine d’équipes spécialisées selon les proies pourchassées : la pie ou la corneille, le héron, la perdrix, les oiseaux de rivière ou encore les animaux à poil comme le lièvre ou le renard.
Plusieurs oiseaux de proie répondent aux différents critères suivant la conformation de leurs ailes depuis les « rameurs » dits de haut vol, qui montent très haut et fondent sur leur proie comme un trait allant jusqu’à 250 kms à l’heure (faucons pèlerins, sacres, gerfauts, laniers…). Ils sont réputés les plus nobles. Les « voiliers » poursuivent leur proie à tire d’ailes et jouissent d’une moindre considération (buses Harris, autours, éperviers …)
A partir du XIIe, il est attribué un type d’oiseau en fonction du rang des personnes pour cette activité qui reste limitée aux nobles. Un aigle pour l’empereur, un faucon gerfaut pour le roi, une faucon pèlerin pour un duc. Les hommes de la cour chassent avec un faucon émerillon (le plus petit des faucons de haut vol), et les dames et demoiselles disposent d’un faucon crécerelle. L’autour est alloué aux bourgeois et l’épervier aux religieux.
A chacun de ses déplacements, Louis XIII emporte avec lui les oiseaux du cabinet du Roi. Lorsqu’il est en chasse, le fauconnier se déplace à cheval, porte le faucon sur le poing droit, protégé des serres par un gant de cuir, la tête de l’oiseau couverte d’un chaperon que le fauconnier lui ôte au moment de l’envolée vers la proie. Des jets de cuir ou entraves sont attachés aux pattes de l’oiseau.
La chasse est pratiquée plusieurs fois par semaine, voire quotidiennement selon les saisons et le contexte de guerre ou paix et le lieu d’implantation autour des châteaux de Saint-Germain, Chantilly ou Versailles…
La fauconnerie va petit à petit laisser la primauté à la vénerie sous Louis XIV, Louis XV et Louis XVI mais les services de la Fauconnerie Royale subsisteront jusqu’à la Révolution.
Étienne Chouinard

L’aventure comique survenue le premier jour de l’entrée des huguenots dans Fontenay avec Henri de Navarre
Certes, cela se produit en 1587, quelques dizaines d’années avant la bataille de Riez qui nous intéresse, mais ce fait divers, repéré dans un ouvrage de Louis Brochet, par notre archiviste Henri Phelippeau, ne manque pas de sel et mérite d’être partagé.
Le premier jour de l’entrée des huguenots, une aventure comique excita un peu de gaieté au milieu de la désolation générale. Une pauvre femme avait tué un cochon le matin du jour de la reddition. À la nouvelle de ce qui se passait, elle eut des craintes de voir son pourceau, si gros et si gras, devenir la proie des mécréants, et résolut de le préserver de toute fâcheuse visite et de le porter hors ville chez un de ses amis, du parti du roi de Navarre. Dans ce but, elle le lia de cordes, l’entoura d’un linceul, mit une croix dessus, lui donna, en un mot, l’apparence d’un homme mort, puis le plaça sur des tréteaux.
Lorsque les soldats entrèrent, elle fit la pleureuse, et leur dit que son infortuné mari ayant été tué, elle voulait le faire mettre en terre sainte, dans le cimetière de Notre-Dame, situé dans le bourg Saint-Martin. Ses hôtes ne firent aucune difficulté et lui permirent d’aller chercher quatre porteurs et deux prêtres.
Le cortège se mit en route, ceux-ci chantant, elle pleurant ; le défunt, aspergé d’eau bénite, fut enterré et sa fosse couverte de buis. La nuit suivante, la veuve alla, en compagnie de commères, enlever son prétendu mari ; mais la fatalité voulut que les sentinelles s’aperçussent de la chose, et découvrissent toute la trame. L’anecdote dévoilée fit rire huguenots et catholiques qui, depuis, donnèrent le nom de Chapelain du Goret au prêtre qui avait fait la cérémonie.

Billet d’humeur
Attention, ce n’est pas du Louis XIII, c’est une copie !
Dans les années 60, les vide-greniers n’existaient pas. Les brocanteurs avaient des hangars remplis de trésors. Les antiquaires tenaient le haut du pavé. On rêvait devant une bonnetière ou un vaisselier. Le suédois IKEA, champion du meuble pliable dans un carton ne séduisait que les étudiants en manque de place et de budget. Les meubles anciens quittaient les fermes qui se modernisaient. Le buffet de cuisine avec horloge O.R.T.F. intégrée occupait la place. Le formica brillait d’un coup d’éponge et la cire d’abeille était remisée au placard.
C’est précisément le placard, autrefois exclusivement à balais, qui fit chuter l’antiquaire qui continuait d’astiquer les entrées de serrures d’armoires gigantesques qui, précisément, n’entraient plus sous les plafonds, ne passaient plus par les portes et ne tournaient pas dans les cages d’escaliers. Imaginer qu’une évolution, du placard à balais au dressing, n’était finalement qu’une question de temps, de conditionnement et de phonétique, ne semblait guère préoccuper les antiquaires qui, en 1965, proposèrent avec un immense succès un premier salon, sous des Halles de Challans métamorphosées. La tendance était à l’authentique. Si mes souvenirs sont exacts, huit stands s’offraient aux visiteurs, et Dominique Perrin, de la Maison Cartier, présentait des briquets. Ces temps du bois massif, des fauteuils capitonnés et des tapis de château sont, sauf pour un marché de niche, révolus.
Les placards s’appelèrent bientôt rangements et se glissèrent dans les cloisons. On déménageait son armoire, qui pouvait avoir connu plusieurs générations et avoir bien voyagé, mais on ne déménage pas son rangement. La cuisine est désormais intégrée et relayée à une application, on arrive encore à faire le tour de son lit, mais guère plus, la taille du salon a rétréci et il n’est plus question d’y installer la grande table avec les bancs que cédaient les héritiers, après avoir vendu la licence IV du bistrot de campagne de l’aïeul.
Challans comptait à l’époque cinq antiquaires, nous avons désormais au moins dix installateurs de cuisines.
Le bois noble a disparu et la particule est dans le panneau. Le mélaminé l’emporte sur le millésimé.
Les styles Louis XIII, XIV, XV sont balayés. Le vintage est l’étalon XXL. Au delà c’est la nuit des temps, comme à l’époque préhistorique où l’Iphone XIII n’existait pas !
Mais le vrai Louis XIII, le Roi qui visita Challans, on en parle encore dans ces pages, pour le 400e anniversaire de son passage, un jeudi 14 avril 1622.
Erick Croizé
Les Marzelles
Louis XIII et ses troupes sont passés devant cette belle propriété des Marzelles dont les fondations datent d’Henri IV – à voir rue Gambetta
Louis XIII en peinture…
Une huile sur toile est accrochée sur le mur d’entrée de la nef de l’église de Notre-Dame de Riez. Cette toile de grand format, 2 x 3 m a été préalablement restaurée par les soins de la Challandaise Gaëlle Couton avant d’être accrochée, pleine d’éclat, en juin 2021.
La paroisse, représentée par son conseil, commanda en 1944 cette œuvre au peintre local Henry Simon (1910-1987), déjà reconnu à cette époque, à son retour de captivité. Le tableau reproduit un fait majeur de notre histoire nationale : la victoire du 16 avril 1622 de l’armée de Louis XIII sur les troupes du Prince de Soubise, chef des Protestants. Selon l’imagination de l’artiste, le tableau reproduit la scène de la remise d’un ostensoir en remerciement de l’aide importante apportée par la population riezaise lors de la bataille de l’Isle de Riez.
On y voit Louis XIII, descendu de son cheval blanc orné d’un panache blanc, offrir un ostensoir au clergé de la paroisse, à genoux, sous l’œil attentif d’Armand Jean du Plessis de Richelieu. La tenue du roi est composée d’un pourpoint bleu et or « à crevés » (1) selon la mode de ce temps. Il porte des gants blancs à manchettes, un large col de dentelle ainsi qu’un chapeau orné de plumes blanches. Le roi est escorté par ses mousquetaires en armes sur leurs chevaux.
Derrière Richelieu, un reposoir est élevé en l’honneur du roi, sur fond de toile aux fleurs de lys tendu derrière une statue de Notre-Dame de Riez.
Des villageois se pressent et assistent à la scène, regroupés depuis l’estacade où ils ont quitté leurs embarcations.
En dernier lieu, on remarquera le sol constellé de fleurs printanières rappelant que nous sommes en avril de l’année 1622.
(1) fente ou longue ouverture pratiquée dans l’étoffe d’un vêtement qui laisse apparaître une doublure de couleur. À l’examen, trois personnages du tableau présentent cette tenue.
Etienne Chouinard